Aviation légère, mais grosses nuisances pour les riverains

Un habitant de Blotzheim témoigne de son quotidien sous le survol répété à basse altitude de sa maison par l’aviation légère (appelée aussi aviation générale, dite de tourisme, loisir, sport et écoles de pilotage,… avions de moins de 5,7 tonnes, voir Wikipédia).
Voir aussi notre article « Pollution sonore occasionnée par l’aviation légère ».

L’ADRA est en discussion avec l’aéroport pour la mise en place d’une Charte entre les services de l’aviation, les usagers (clubs, pilotes, école, etc…) et l’ADRA, ainsi que d’autres représentants des riverains (Petite Camargue, communes, Associations environnementales, etc…) à l’exemple de ce qui existe entre l’association ADENAH et l’aérodrome de Habsheim.

 

TRIBUNE : Quand de petits avions passent et repassent en me cassant les oreilles !

De Fabien Libsig, Blotzheim, le 17 janvier 2022*.

« J’ai grandi à Saint-Louis. C’est pour dire que les avions qui survolent Bourgfelden, j’ai connu cela toute mon enfance.
Puis, j’ai habité à Linsdorf (près de Bettlach) entre 2001 et 2016. Les avions survolaient ma maison, mais c’est à peine si on les entendait. Cela se résumait à une traînée blanche dans le ciel et de temps en temps, un drôle de « wooouf ».

En 2018, j’ai emménagé à Blotzheim, dans un quartier situé entre l’église et Michelbach Le Bas. J’ai noté qu’en été, des avions de tourisme volaient au-dessus de chez moi, mais comme je rentrais tard (du travail), que je passais le plus clair de mon temps à rénover la maison, je ne peux pas dire que cela m’embêtait beaucoup….

2020… Pandémie, et, du coup, télétravail.
L’aéroport, tout à côté, était devenu désert. Pas d’avion. Je me suis rendu compte que je n’étais plus réveillé par les 2 avions qui vont à Paris entre 6h et 7h00… Les oiseaux chantaient… Et ce sont leurs chants qui me réveillaient. Jamais auparavant, je ne m’étais rendu compte qu’ils étaient aussi présents.

Un jour, alors que j’étais dans le jardin, je me suis demandé ce que ce petit avion avait à tourner au-dessus de chez moi pendant 1 heure…. Pendant que nous, nous étions confinés, lui, il s’en donnait à cœur joie ! Pendant ma pause déjeuner, il est passé 5 ou 6 fois en l’espace d’une demi-heure. Il était jaune et blanc…

Puis, en mai, alors que nous déjeunions sur la terrasse, un autre coucou est passé… Puis repassé. Puis encore… Nous sommes rentrés et avons fermé la porte-fenêtre : un coucou qui passe à 300m d’altitude au-dessus de chez nous, c’est bruyant : on ne s’entendait plus… Et puis le bruit dure près de 2 min toutes les 7 ou 8 minutes.

Vol HansAir HBGGP 28.05.2020

La panacée, c’est en 2021. Que ce soit le matin, pendant la pause déjeuner, l’après-midi, le soir, week-end ou les jours fériés: ils ne s’arrêtent pas de tourner au-dessus de mon quartier dès qu’il fait à peu près beau. Vous me direz que beau, ce n’était pas arrivé souvent cet été… Mais, du coup, les rares jours où nous pouvions passer du temps dans le jardin n’en n’étaient que plus précieux…
Flightradar24, un site internet (mais qui existe aussi en tant qu’application Android ou IOS) me permet d’identifier les avions en question. A de très rares exceptions, ce sont toujours des avions qui appartiennent à BS Business Aviation AG ou Basel Flugschule AG, deux entreprises qui appartiennent au même propriétaire suisse.

Sur FlightRadar on peut suivre les boucles de ces avions immatriculés en Suisse et basés à Bâle-Mulhouse : ils décollent, tournent au-dessus de Hésingue, passent au-dessus de Blotzheim jusqu’à Bartenheim ou Sierentz, simulent un atterrissage sur l’aéroport et recommencent 8, 10 ou 15 fois ! (Ce sont des « tours de piste », des exercices pour entrainer les pilotes ou pour maintenir leur certification au pilotage. Notamment des pilotes volant pour Easyjet).

Tour de piste de l’avion HB-KMU le 18.11.21 au-dessus de Blotzheim.

En vertu de la convention franco-suisse de 1949 sur la création et l’exploitation de l’aéroport et de l’arrêté du 10 octobre 1957 relatif au survol des agglomérations, ils respectent la réglementation et ont le droit de polluer et de faire du bruit au-dessus de nos villages. La réglementation en Suisse est un peu plus stricte !

J’ai envoyé un mail au service de l’environnement de l’aéroport… Puis « des » mails… Pas de réponse autre qu’un accusé de réception pendant des mois.
Le 9 septembre, alors que je travaillais dans mon bureau, un de leur avion n’a pas arrêté de survoler le quartier. Pendant 1 heure, toutes les 5 minutes, un passage. Je pouvais lire son immatriculation de ma fenêtre. Le bruit est tel que je n’entendais plus les haut-parleurs situés sous mon écran et que pendant ma téléconférence, j’ai dû couper le micro.
Il est passé 9 fois en 45 minutes… Et moi, j’ai craqué…

Comment se fait-il qu’un pays qui estime à 155 milliards d’euros le coût social de la pollution sonore (Adème 22.07.2021) permette à des compagnies aériennes de nous casser les oreilles ? La pollution est visiblement identifiée… mais aucun décret, aucune action.

J’ai donc envoyé un mail à notre député… qui n’a même pas pris la peine de répondre. J’ai finalement reçu une réponse de l’aéroport : ce ne sont pas eux qui fixent les trajets. Et le décret de 1957 donne l’autorisation de polluer.
J’ai contacté la Basel FlugSchule : eux me disent que c’est l’aéroport qui détermine le trajet. Bref… c’est pas moi, c’est lui.

J’ai trouvé une association, l’ADRA, qui militait pour faire reconnaître les nuisances sonores de l’aéroport. Seul, je ne peux rien faire. J’ai donc adhéré.

Depuis, l’association m’a prêté un appareil de mesure du bruit (sonomètre portable). En temps normal, le bruit de fond est d’environ 40 dBA… Lorsque les coucous passent au-dessus de chez moi, ça dépasse 62 dBA. Et ce n’est pas pendant quelques secondes comme avec un bi ou quadri -réacteur. Ça fait 1 à 2 minutes augmentant et diminuant la pollution sonore… et cela toutes 5 à 8 minutes.

J’envoie des mails au service de l’environnement de l’aéroport, à la direction de l’aviation civile et copie à l’ADRA, pour protester. (Faites comme moi, protestez afin qu’ils fassent quelque chose : voici les adresses email : DSAC-NE-Environnement, dsac-ne-environnement-bm-bf@aviation-civile.gouv.fr, Service Environnement enviro@euroairport.com, ADRA – info.adra@laposte.net

J’ai téléphoné à la gendarmerie de St Louis pour essayer de porter plainte. Ils m’ont renvoyé vers la gendarmerie de l’aéroport (Tél : 03 89 90 29 74, je vous l’indique afin que ceux qui sont aussi excédés par le bruit puissent les contacter).
La gendarmerie de l’aéroport m’a dit que, vu que les avions ne font rien d’illégal, la plainte est irrecevable et ils m’ont même dissuadé de porter plainte. J’ai aussi appris que 2 écoles ont envoyé des pétitions et d’autres habitants ont porté plainte, mais sans réaction de la Flugschule.

En désespoir de cause, j’ai contacté Mme Corinne Lepage, qui fut ministre de l’écologie sous Juppé. Elle est avocate et son cabinet est spécialisé dans la lutte contre la pollution. Elle m’a recontacté immédiatement. Après discussion, elle m’a proposé d’étudier le dossier pour une action en justice.
Naïf, j’ai contacté les maires de Blotzheim et de Michelbach-le-Bas, leur demandant si on pouvait regrouper toutes les mairies de la zone frontalière concernées et discuter ensemble du plan d’action à mener contre le bruit… Ainsi le font les communes suisses lorsqu’elles ont, mandaté le cabinet de Mme Lepage pour écrire un avis contre la Nouvelle Ligne Ferroviaire pour relier l’Euroairport.

Naïf… car pas de réponse, ni de l’un ni de l’autre. A me demander à quoi servent maires, députés, hauts fonctionnaires et autres élus, qui ne répondent pas aux sollicitations légitimes de leurs concitoyens.

Pour étayer mes dires, voici un exemple récent : ce dimanche 16 janvier, 11h55 : 42 minutes de vol…. Essayez de compter combien de fois il est passé au-dessus de Blotzheim en suivant les lignes jaunes ou vertes. »

Vol de l’avion HB-KMU le 16.01.2022 au-dessus de Blotzheim et Michelbach.

Le vol de l’avion HB-POC le 07.02.2022 arrose généreusement les villages et la Petite Camargue, zone de quiétude!

*) Dans les tribunes, les auteurs expriment un point de vue propre, qui n’est pas nécessairement celui de l’ADRA.