Les droits humains fondamentaux au secours de l’environnement

On ne peut que constater le refus des autorités et des entreprises du transport aérien à prendre en compte leur responsabilité dans la dégradation de notre milieu de vie et de l’environnement. Témoins des effets sanitaires et de la dégradation du climat, les associations de défense des riverains revendiquent, manifestent et font moult propositions qui restent globalement sans réponse. Devant l’urgence de la situation, reste la voie du droit pour obtenir justice.
Ci-après une série d’articles chronologiques sur la prise en compte progressive des droits fondamentaux pour la défense de l’environnement… et des riverains.

 

Petite histoire des droits fondamentaux

1972

ONU : Déclaration de Stockholm, une prise de conscience internationale.

En 1972, la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, qui se tient à Stockholm, est la première conférence mondiale qui fait de l’environnement une question majeure.
Face à la dégradation accélérée de nos lieux de vie et de l’environnement en général, les droits humains et les droits de l’environnement deviennent indissociables. Ainsi, le droit des citoyens présents et futurs de « vivre dans un environnement sain » est progressivement reconnu.
En 2023, un juge s’y réfère pour défendre les riverains du 3ème aéroport européen, Schiphol-Amsterdam, contre les nuisances.

2016

Philippines : Le droit à un environnement sain, un droit en devenir.

Le 27.07.2016 la Commission des droits de l’Homme des Philippines porte plainte de façon inédite contre 47 groupes industriels gros pourvoyeurs de CO2 pour leur contribution au dérèglement climatique. Les citoyens « demandent des comptes à la justice pour les dégradations environnementales qui constituent des violations des droits fondamentaux, comme celui de vivre dans un environnement sain ou encore le droit à la santé. ». Novethic, Concepcion Alvarez, 5.09.2016

2021

Union Européenne : peut mieux faire !

A plusieurs reprises, le Parlement européen a demandé au Conseil de l’UE de « promouvoir la reconnaissance mondiale du droit à un environnement sûr, propre, sain et durable au niveau mondial », Parlement européen, 9.06.2021.

La Charte des droits fondamentaux de l’UE, est encore très en retrait. Elle revendique simplement « Un niveau élevé de protection de l’environnement et l’amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l’Union et assurés conformément au principe du développement durable. ». Titre IV, Article 37 – Protection de l’environnement.

2022

ONU : pour un environnement propre, sain et durable.

Le 8 octobre 2021, le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies (CDH) a approuvé la Résolution 48/13 invitant les Etats membres de l’Union Européenne à coopérer à l’instauration de ce droit fondamental. Humanium, Federica Versea, 7.12.2021.

L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté le 28.07.2022 une résolution historique déclarant que l’accès à un environnement propre, sain et durable est un droit humain universel. Assemblée Générale des Nations Unies, 28.07.2022.

France : Le droit à un environnement sain : une liberté fondamentale !

Par une décision du 20 septembre 2022, le Conseil d’État a consacré une toute nouvelle liberté fondamentale : « Le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».
« En « adossant » à la Constitution une Charte de l’environnement qui proclame en son article premier que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé », le législateur a nécessairement entendu ériger le droit à l’environnement en « liberté fondamentale » de valeur constitutionnelle » (2004). Green Low Avocats

Note: Le droit à un environnement sain n’est pas encore reconnu en Suisse. Source : Heidi News, 22.02.23

2023

Pays-Bas – Schiphol : La santé des citoyens prime sur l’économie

Dans un verdict historique, le juge de la Cour d’Appel d’Amsterdam a statué le 7 juillet 2023 que les intérêts des riverains de l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol l’emportent sur les profits de l’industrie aéronautique. Cette décision, évidement contestée par le lobby du transport aérien (Compagnies, Commission Européenne,…), fait provisoirement reculer le gouvernement Hollandais. Voir plus…

France – Cigéo : Le droit des « générations futures » à vivre « dans un environnement équilibré et respectueux de la santé »

Dans une décision rendue vendredi 27 octobre 2023, le Conseil constitutionnel affirme pour la première fois le droit des « générations futures » à vivre « dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». La portée de cet avis pourrait avoir des conséquences directes sur les futurs projets d’aménagement.
Tout en accordant son feu vert au projet Cigeo de stockages des déchets nucléaires, le Conseil constitutionnel appelle à « veiller à ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ».
Le Conseil constitutionnel rejoint ainsi l’Allemagne, la Colombie et certains États des États-Unis. LaCroix, Jean-Claude Bourbon, 27.10.23.

Alsace : Enfouissement de déchets toxiques à StocaMine !

L’association Alsace Nature a fait suspendre ce 7 novembre 2023 les travaux d’enfouissement définitif des déchets toxiques pouvant mettre en danger la nappe phréatique d’Alsace en application du droit des générations futures à vivre dans un environnement sain. Alsace Nature, 7.11.2023

Cependant, la victoire n’est pas encore sûre, car « pour que ce droit des générations futures soit pris en compte, les juges doivent apprécier un double critère : l’atteinte à l’environnement doit être « grave et durable ». ». Novethic, Blandine Garot, 18.11.2023

Voir également l’analyse d’Arnaud Gossement sur « Le droit à un environnement sain et équilibré, consacré par la Charte de l’environnement, est celui des générations actuelle et futures ainsi que des autres peuples (Conseil constitutionnel, 27 octobre 2023 ». Arnaud Gossement (Avocat et professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne), 27.10.2023.

Gravité des atteintes et urgence à agir.

– 30.000 décès prématurés dus à la pollution de l’air chaque année en France, 238.000 en Europe, selon EEA, 15.03.23
– 3 ans de réduction de l’espérance de vie en bonne santé des riverains d’aéroport en Ile de France (1.9 millions sont concernés par les troubles du sommeil, des maladies cardio-vasculaires ; infarctus, diabète,….). Sources : ADVOCNAR, 2022, et Slate, 18.02.2021.

Est-ce assez grave et durable pour que des juges imposent des mesures pour préserver la santé des riverains ?

On ne compte plus au plan mondial les procédures contre des états ou des entreprises pour atteinte à l’environnement, notamment pour inaction climatique (plus de 1500 en 2021 selon un décompte de l’ONU, 26.01.2021).
Certaines ont un retentissement planétaire, comme par exemple celle des 16 jeunes du Montana, USA : Justice climatique, pourquoi la victoire des enfants du Montana crée un précédent important. The conversation, 21.08.2023.

Le droit humain et environnemental évolue vers un consensus international. De plus en plus, les juges l’invoquent pour défendre le droit des populations présentes et futures à environnement sain. Au vu de la gravité et de l’accélération des atteintes à la santé et à l’environnement, il y a urgence à agir.

moins d’avions, plus d’AVENIR !

 

 

Évolution de la jurisprudence en France

Dans le cas ci-après, les victimes et plaignantes sont des personnes individuelles, qui ont dû démontrer un lien avéré entre les épisodes de pollution et leurs maladies.

Pollution de l’air : est-ce à l’État d’indemniser les victimes ?

« Vendredi 16 juin (2023), le tribunal administratif a condamné pour la première fois l’État à indemniser deux familles victimes de la pollution. L’État a été jugé responsable du dépassement des seuils en région parisienne, qui ont provoqué chez deux enfants bronchiolites et otites à répétition lors de leurs deux premières années de vie. ».

« C’est une première en France, voire en Europe. Cette décision reconnaît un préjudice et va faire jurisprudence. Elle établit un lien juridique entre la gestion par l’État de la pollution de l’air et ses conséquences sanitaires. »

« Il est certes complexe de faire des liens de cause à effet entre les maladies et les épisodes de pollution. Mais la décision de vendredi 16 juin montre bien que l’État a failli dans sa responsabilité, il doit garantir un air sain à sa population. La France a d’ailleurs été condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne à deux reprises sur ces questions…. La condamnation porte d’ailleurs sur l’insuffisance des mesures prises par l’État. »

« Les deux familles qui vont être indemnisées ont par exemple dû réunir plusieurs conditions pour attaquer l’État en justice. Il a fallu un lien avéré entre les épisodes de pollution et les maladies des deux enfants. Aussi, ils avaient une décision médicale indiquant qu’il était souhaitable que la famille déménage, car elle habitait à proximité du périphérique parisien. ». Tony Renucci, directeur général de l’association Respire

« La décision du tribunal administratif de Paris pose aussi la question de la jurisprudence. Elle risque d’inciter d’autres personnes victimes de la pollution à attaquer l’État en justice. » Jean-Marc Zulesi, président de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale

Source : LaCroix, Phileas Legavre-Jérôme et Salomé Chergui, le 20/06/2023.

Cinq mois plus tard, le Conseil d’Etat condamne l’Etat français à verser des indemnités à des organisations impliquées dans des questions de santé publique ou d’environnement….

 

Pollution de l’air : l’État français condamné à payer 10 millions d’euros

C’est la suite du recours victorieux au Conseil d’Etat des Amis de la Terre avec 76 associations dont notre fédération l’UFCNA et 9 associations de défense des riverains. Vie publique, 28.11.2023

« L’État français a été condamné par le Conseil d’État, vendredi 24 novembre, pour avoir insuffisamment lutté contre la pollution de l’air, en particulier à Paris et à Lyon. Au total, l’État devra verser 10 millions d’euros à différentes organisations impliquées dans des questions de santé publique ou d’environnement….

Les 10 millions d’euros iront à l’ONG requérante, Les Amis de la Terre (pour 100 000 €) et surtout à un ensemble d’organismes publics ou associatifs impliqués notamment dans des questions santé publique et d’environnement (Ademe, Cerema, Anses, Ineris, Airparif, Atmo). ».

Source : La Croix (avec AFP), le 24.11.2023